Début juillet, le Groupe de travail sur les prélèvements de solidarité mondiale (GSLTF) a annoncé vouloir mettre en place une nouvelle forme de taxation qui s’appliquerait aux classes «premium» et à l’aviation d’affaires. Inquiète, l’organisation faîtière IATA a rapidement réagi, soulignant à la foi les lacunes de l’approche et les risques pour l’économie mondiale.
Ces nouvelles taxes envisagées sur les voyageurs premium devraient permettre de «lever des fonds essentiels pour le climat et le développement», a déclaré Laurence Tubiana, coresponsable du secrétariat de la task force sur les contributions de solidarité mondiale, créée en novembre 2023 lors du sommet de la COP28 à Dubaï et coprésidée par la France, le Kenya et la Barbade.
Un financement climatique déjà existant
Pour IATA, l’Association du transport aérien international, le projet de taxe ne va pas dans le bon sens, ni pour les pays qui pourraient en bénéficier, ni au niveau des objectifs globaux de protection du climat. Sur le plan environnemental, cette organisation professionnelle souligne ainsi que le secteur aérien se mobilise déjà à hauteur de plusieurs milliards de dollars en faveur du développement durable: les compagnies aériennes se sont engagées à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, un effort qui devrait coûter 4 700 milliards de dollars sur la période 2024-2050. Au vu des faibles marges, dans un marché très compétitif, il est certain que toute augmentation arbitraire des taxes aériennes limiterait la capacité de toute l’industrie à investir dans des solutions permettant de réduire les émissions à long terme. Et ce d’autant plus dans un secteur qui a déjà mis en place un mécanisme spécialisé de financement climatique pour l’aviation, avec le système de compensation et de réduction de carbone pour l’aviation internationale (CORSIA), approuvé par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI)… «Concernant le transport aérien, la meilleure façon d’atteindre les objectifs du GSLTF serait de soutenir les investissements dans la production de SAF (carburants d’aviation durables, ndlr) afin que les compagnies aériennes puissent assurer la prospérité en connectant les citoyens et les entreprises aux opportunités mondiales», a déclaré Willie Walsh, directeur général de l’IATA.
Des coûts plus élevés pour tous les voyageurs
Sur le plan économique, l’association rappelle par ailleurs qu’un secteur aérien compétitif ne génère pas de profits excessifs…. Plus précisément, l’annonce du GSLTF se base sur une estimation de l’organisation CE Delft selon laquelle une taxe sur les voyageurs premium pourrait générer 78 milliards d’euros (plus de 90 milliards de dollars) par an. Cela représenterait environ trois fois le bénéfice mondial estimé du secteur aérien, qui s’élève à 32,4 milliards de dollars en 2024. Pour IATA, il est ainsi essentiel de prendre en compte la marge bénéficiaire nette structurellement faible des compagnies aériennes, estimée à une moyenne de 3,4% pour l’ensemble du secteur en 2024.
Dans la même lignée, IATA souligne que le GSLTF fait abstraction de l’importance cruciale du segment premium – vols en business et première classe – pour la viabilité des réseaux de lignes. Pour l’association professionnelle, «punir les voyageurs haut de gamme ou alourdir le secteur par des taxes excessives bouleverserait la dynamique des lignes qui permet la connectivité dont dépendront près de cinq milliards de voyageurs… Cela entraînerait des coûts plus élevés pour tous les voyageurs et pour les articles expédiés par avion. Notre secteur est un catalyseur économique indispensable».
Plus largement, IATA s’inquiète que ces taxes augmentent tellement les coûts du transport, qu’elles créent des conséquences négatives pour l’ensemble de la population. «L’industrie aérienne est un catalyseur économique, pas une vache à lait, a poursuivi M. Walsh. Pourtant, les gouvernements proposent avec désinvolture une taxe sur les passagers représentant trois fois le bénéfice annuel de l’industrie aérienne, sans tenir compte des conséquences concrètes pour une industrie qui est vitale pour les communautés isolées, dynamise les marchés touristiques et relie les produits locaux aux marchés mondiaux».